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Dans la période que nous traversons, les moyens techniques de communication ouvrent des possibilités extraordinaires ! Comment aurions-nous vécu le confinement si internet n’existait pas ?? Les réseaux sociaux, les visios … offrent de véritables opportunités. Ils risquent cependant de nous faire oublier une réalité fondamentale : notre vie a besoin d’être incarnée pour se déployer, pour grandir. Les écrans risquent de mettre en sommeil notre capacité à contempler vraiment le visage de l’autre …

« Son nom est le Seigneur : dansez devant sa face. Père des orphelins, défenseur des veuves, tel est Dieu dans sa sainte demeure » (Psaume 67)

Je ne peux pas me réjouir de la présence de Dieu sans prendre soin à mon tour du visage des pauvres que je croise sur ma route ! Le refrain du psaume 79 que nous entendons à la messe en ce premier dimanche de l’Avent nous le rappelle également :

« Dieu, fais-nous revenir, que ton visage s’éclaire et nous serons sauvés ! »

« Fais-nous revenir … » à la tendresse de relations plus justes, plus vraies, à la joie du face à face, à la joie du pardon.

Les mentions du visage, de la face sont nombreuses dans les psaumes.

« Tu m’as caché ta face, et je fus épouvanté » (Psaume 29)

Vivre sans face à face, sans visage, c’est vivre dans la tristesse, dans le doute, dans l’amertume. C’est bien ce que nous expérimentons parfois dans ce confinement alors que nous sommes privés des rencontres amicales et de la prière communautaire. Pourtant, même s’il ne nous est pas possible de vivre le face à face des relations ordinaires, laissons le Seigneur éveiller notre cœur. Demandons Lui de nous apprendre à contempler son visage et le visage des autres dans le sanctuaire de notre cœur. Apprenons à « veiller » (cf. Mc  13, 33-37). C’est à ce chemin d’incarnation que le Frère M.-Joaquim nous invite. Chemin intérieur. Chemin d’illumination du visage.

Thierry Jacoud
Vicaire épiscopal responsable de la Pastorale des jeunes du diocèse de Lyon

« Vous avez gardé intact le sceau de la foi et vous avez été prompts à vous rassembler dans les églises. Vous avez écouté mes Écritures et tant désiré entendre mes paroles. Vous avez observé ma loi le jour et la nuit et partagé mes souffrances comme de courageux soldats, pour trouver grâce devant moi, votre Roi du ciel. »

Hippolyte de Rome (170-235)

Dans le contexte du confinement, surtout durant la première vague, il a été beaucoup parlé des messes télévisées, appréciées et suivies par les chrétiens. Pendant la deuxième vague, où les églises restent ouvertes, mais uniquement comme lieux de prière et pour recevoir la communion, les fidèles se montrent plus déterminés, organisant des manifestations devant les cathédrales, parfois des messes clandestines.

Défense des libertés ? Cette explication, suggérée par les médias, suffisante pour satisfaire le grand public, semble voiler une autre réalité, plus profonde celle-là, d’ordre théologal. La vraie cause des initiatives actuelles semblerait être plutôt l’instinct même de la foi, le cri des profondeurs de la conscience chrétienne, arraché, pas toujours réfléchi, indiquant la vraie nature des choses, et aussi la direction à prendre… Ce que la tradition appelle le « sensus fidei », le sens de la foi ancré dans le peuple de Dieu, qui l’a tant de fois préservé en temps de crise.

De quoi s’agirait-il aujourd’hui ? De la racine même de la foi chrétienne. La pédagogie divine – dont l’expression parfaite est l’incarnation du Fils de Dieu – est une démarche de proximité : Dieu se met à notre portée, nous rejoint là où nous sommes, tels que nous sommes. Sa présence dans l’Eucharistie qu’il institue lui-même pour perpétuer son sacrifice et sa présence parmi nous, est l’extrême aboutissement de cette pédagogie.

Dans l’Eucharistie, le Christ s’approche de nous de manière tangible et concrète, en parfaite correspondance avec notre nature. Il entend que nous nous attachions à lui de manière également tangible et concrète. Rencontre qui ne saurait être rendue par la médiation d’aucun écran, d’aucun moyen de communication, fût-il des plus sophistiqués. Voilà ce que pressent confusément le sensus fidei dans le contexte actuel.

Allons plus loin ! Ne nous arrêtons pas à la crise sanitaire… Alertée, la conscience chrétienne n’aurait-elle pas identifié le fond du problème – cette perte de vitalité qui mine l’Église en Occident depuis tant d’années ?

Jean-Paul II et Benoît XVI étaient convaincus, et ne manquèrent pas de le rappeler au cours de leur pontificat, que l’Église connaîtrait un renouveau, un surcroît de ferveur, à mesure que les chrétiens reviendraient à l’Eucharistie, accordant à la célébration de la messe, à la beauté de la liturgie, à la prière devant le Saint-Sacrement, la place qui leur revient. Convictions qui ont pu paraître rétrogrades, préconisant un modèle de l’Église, une approche de la foi, jugés révolus. En réalité, ces grands pasteurs ont simplement saisi la vraie nature des choses, les articulations intimes de la foi chrétienne. Ils ont voulu traiter le problème en profondeur, s’attaquant à la racine même du mal : la perte de l’essentiel. Proches de Dieu, leur instinct des réalités surnaturelles a vibré avant celui des autres. Seront-ils suivis ?

Frère M.-Joaquim
Moine de l’abbaye de Sept-Fons