Sélectionner une page

Homélie de la fête des Rameaux

Pèlerinage au Puy 2018

« Nous sommes aimés de Dieu »

En ce matin de vendredi, près de la porte d’Ephraïm, hors des murs de Jérusalem, ils sont sans doute nombreux à assister en spectateurs à la douloureuse marche de Jésus vers le Golgotha et à sa longue agonie sur la croix. Simples badauds ou curieux, plus ou moins indifférents ou étrangers à ce qui se passe, certains hostiles, d’autres s’apitoyant peut-être sur le sort du condamné… Nous, aujourd’hui, alors que nous avons marché à la suite du Christ en croix, dans les rues du Puy et que nous venons d’entendre le récit de sa passion et de sa mort, sommes-nous aussi de simples spectateurs ?

Je ne le crois pas, sauf à être des monuments d’indifférence. Voici Jésus trahi, condamné injustement, mais qui ne manifeste ni haine ni colère. Par amour, il donne sa vie. Il met en pratique ce qu’il avait dit à ses apôtres : « nul n’a d’amour plus grand que celui qui se dessaisit de sa vie pour ceux qu’il aime ». Le Christ en croix, nous ne pouvons pas seulement l’observer de loin, avec détachement… Parce qu’il est en solidarité profonde avec nous : Jésus souffrant sa passion, c’est avec lui tous ceux qui, dans notre humanité d’hier et d’aujourd’hui, sont crucifiés d’une manière ou d’une autre par l’épreuve, la maladie, la faiblesse morale, la brutalité, la solitude, l’injustice. Tous ceux qui ont été et sont victimes de trahison, d’abandon, de calomnie ou de jugements injustes, de tortures physiques ou morales… En regardant la croix, nous sommes en solidarité profonde avec tous ceux-là, et nous comprenons, si nous nous reconnaissons en eux, que nous sommes aimés de Dieu et jamais seuls sur nos chemins de croix.

« Notre vie n’est pas condamnée par le mal que nous faisons mais remplie de cette tendresse de Dieu »

En solidarité profonde, parce qu’avec lui, comme l’écrit Paul, sur la croix « Christ est mort pour nos péchés ». Sa vie donnée sur la croix, sa vie nouvelle au matin de Pâques, nous ouvre à l’espérance : Notre vie n’est pas condamnée par le mal que nous faisons mais remplie de cette tendresse de Dieu, pour peu que nous nous tournions vers le cœur transpercé du crucifié d’où coule l’eau vive du pardon. Ce combat du Christ contre le mal et le péché nous fait alors prendre conscience des luttes que nous avons à mener, avec Lui, dans nos propres vies pour que nous devenions des hommes et des femmes de paix et de réconciliation selon son cœur.

Quant aux autres acteurs du drame, il nous est également difficile de les regarder avec indifférence. Il y a ceux qui trahissent et complotent : les grands prêtres, Juda, Pierre. Tous ils nous renvoient à nos propres trahisons. Il y a Simon de Cyrène qui nous rejoint quand nous accompagnons fraternellement ceux qui souffrent et qui tombent. Il y a le Centurion, le païen, qui  rend hommage à Jésus crucifié. Il nous invite alors à nous tourner vers le Christ avec foi et courage. Il nous encourage à accompagner fraternellement celles et ceux qui, autour de nous, lèvent les yeux vers le crucifié et le reconnaissent comme leur Sauveur, alors qu’ils sont des « païens », c’est-à-dire de ceux qui n’ont jamais entendu parler du Dieu de Jésus-Christ.

« Être ami du Christ, le fréquenter, l’aimer. »

Vous le voyez, la Passion du Christ se poursuit encore aujourd’hui sous nos yeux. Nous en sommes les acteurs et non des spectateurs. Acteurs avec le Crucifié, lui qui fut entièrement offert à la volonté de son Père et totalement donné à ses frères, par l’engagement concret au nom de l’Evangile pour la paix et la justice, partout où le Seigneur nous envoie : dans nos universités, nos Grandes Ecoles, nos entreprises, les associations où nous sommes engagés, dans nos familles et nos cercles d’amis…

Alors être acteurs de la Passion, c’est être des passionnés ! C’est vivre à la manière du Christ, c’est être ami du Christ, le fréquenter, l’aimer. C’est quitter nos « vieux divans », dans lesquels nous risquons toujours d’être des spectateurs blasés d’une actualité trop souvent blessée, pour choisir le Dieu vivant, celui de l’aventure au service des frères, à la suite de son Fils qui n’a jamais eu de divan, « pas même une pierre pour reposer sa tête », mais qui en Dieu son Père trouvait le repos et l’élan de l’Esprit pour la mission.

Alors, pour quitter nos « vieux divans » et choisir le Dieu vivant, à la suite du Christ, puissions-nous chercher le vrai repos non en nos « vieux divans » mais en Dieu le Vivant, et prier ainsi avec le psalmiste : « Je n’ai mon repos qu’en Dieu seul, mon salut vient de lui. Lui seul est mon rocher, mon salut, ma citadelle. Je suis inébranlable ! » (Ps 61)

+ Laurent PERCEROU

Evêque de Moulins